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Quel espoir pour l’équité salariale au Québec?

  08 mars 2023

La majorité des Québécoises et des Canadiennes ont espoir que l’écart salarial qui persiste encore entre les hommes et les femmes sera éliminé, selon un sondage publié mercredi par la plateforme Web de recherche d’emploi Indeed Canada.

Environ 40 % d’entre elles croient que ce jalon sera atteint d’ici 10 ans, alors que les deux tiers voient la ligne d’arrivée dans les 50 prochaines années. Dans le cadre de cette enquête, 1543 travailleuses, dont 500 Québécoises, ont répondu à un questionnaire en ligne de 15 à 17 minutes concocté par la firme YouGov, en janvier dernier.

Au-delà des perceptions, vers quoi se dirige-t-on concrètement en ce qui a trait à l’équité salariale ? Au Québec, le taux horaire moyen des femmes correspondait à 90,8 % de celui des hommes en 2021. Il s’agit d’une progression de 7,4 points de pourcentage depuis 1998, soit à peine un tiers de point de pourcentage par année. À ce rythme, plus de 25 ans seront encore nécessaires pour annuler l’écart.

« C’est une progression très lente », constate Julie Cloutier, professeure au Département d’organisation et ressources humaines à l’UQAM. « Je pense qu’elle va continuer encore un peu. Mais tant qu’il y aura des emplois clairement associés aux femmes et des préjugés fondés sur le sexe, on n’aura pas la parité », poursuit-elle.

Selon Mme Cloutier, l’amélioration est due en bonne partie à la Loi sur l’équité salariale de 1996. Son point de vue rejoint celui de 76 % des répondantes québécoises au sondage d’Indeed, qui y voient une mesure efficace. La loi oblige les employeurs à estimer la valeur de chacun de leurs emplois en fonction de quatre grands facteurs, afin de s’assurer que ceux qui sont à prédominance féminine ne sont pas injustement défavorisés. Les employeurs doivent faire une déclaration à la CNESST et procéder à des ajustements salariaux au besoin.

Mme Cloutier estime toutefois que les exigences de la loi sont très larges, subjectives et permissives. Rien n’oblige les employeurs à tenir compte, dans leur évaluation, de certaines exigences spécifiques aux emplois à prédominance féminine, comme les capacités relationnelles, l’écoute et l’empathie.

« Il faut regarder ce qui nous empêche de faire des progrès, et j’irais voir les outils qu’on fournit aux entreprises pour réaliser l’équité salariale », conseille-t-elle.

Boys club et préjugés

Les réflexions de Marie-Thérèse Chicha, professeure à l’École de Relations industrielles de l’Université de Montréal, rejoignent celles de Mme Cloutier. Elle constate que les emplois à prédominance masculine sont encore généralement mieux payés. Mme Chicha réclame une enquête générale fournissant les résultats concrets de cette loi au sein des entreprises et organismes publics.

Plusieurs autres variables influencent également à la baisse le salaire des femmes, fait remarquer l’économiste. Elles accumulent souvent moins d’ancienneté, parce qu’elles réduisent leurs heures de travail ou doivent prendre des congés par obligation familiale. Elles oeuvrent davantage dans des PME, qui auraient une moins grande capacité de payer que les grandes entreprises. Elles ont aussi moins tendance à négocier leurs salaires que les hommes.

« Pour accéder à des emplois supérieurs, il faut souvent appartenir à un boys club, un cercle fermé de personnes qui se connaissent et partagent les mêmes sports, dans lesquels les femmes sont très peu nombreuses, souligne la professeure. Et il y a encore également des préjugés selon lesquels elles ne sont pas faites pour diriger de grosses entreprises. »

Malgré cela, Mme Chicha est optimiste. « Aujourd’hui, la vaste majorité des personnes sont en faveur du principe de l’équité salariale, alors qu’il y avait de fortes réticences par le passé. On a changé de contexte, de façon très positive. »


Source :
LEDEVOIR 9 mars 2023