Avec le prolongement du confinement, les cols bleus et les cols blancs craignent que les villes procèdent à des mises à pied massives parmi leurs effectifs.
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«Lock-out illégal»: victoire des cols bleus de Québec
26 avril 2012
(Québec) Les cols bleus viennent de remporter une convaincante victoire sur l'administration Labeaume. La Commission des relations du travail (CRT) ordonne à la Ville de Québec de mettre fin au «lock-out illégal» et de réintégrer les 162 employés auxiliaires mis à pied le 17 avril, quelques heures à peine avant un vote de grève.
La Ville est aussi dans l'obligation de payer d'ici huit jours l'équivalent d'une semaine de travail aux employés congédiés, tranche la commissaire Anne Parent.
Une somme de «150 000$ à 200 000$», selon le syndicat des cols bleus.
«J'espère que le maire n'aura pas l'odieux de faire payer aux contribuables la facture de sa manoeuvre d'intimidation qui a lamentablement échoué», a réagi le président du Syndicat des employés manuels, Marc-André Dufour.
Ce dernier jubilait jeudi après-midi lors d'une conférence de presse quelques heures à peine après qu'est tombée la décision de la CRT. «On est très satisfaits, très contents», a poursuivi M. Dufour, qui se réjouit surtout «pour les 162 travailleurs et leurs familles».
La CRT est on ne peut plus claire: «Pour la Commission, il s'agit d'un lock-out», peut-on lire dans la décision de la commissaire selon qui ces 162 mises à pied «peuvent être qualifiées de mesures de représailles». La CRT qualifie le geste fait par la Ville de «clair et sans équivoque».
Ainsi, la Commission dit ne pas pouvoir «écarter le fait que la motivation de la Ville de mettre à pied 162 cols bleus auxiliaires est directement lié à l'assemblée générale convoquée le jour même par le Syndicat afin de procéder à un vote pour un mandat de grève légale».
Pour Marc-André Dufour, il était clair que l'administration avait mis les cols bleus à pied pour réagir à ce vote de grève annoncé. Les conclusions de la CRT l'ont confirmé jeudi.
«C'est éloquent comme décision, ça indique qui sont les bons et qui sont les méchants dans le système, dans la façon de voir et de procéder», a-t-il soutenu.
Le 17 avril, les cols bleus de Québec ont voté à 98% en faveur d'un mandat de grève à mettre en vigueur «au moment opportun». Quelque 950 des 1350 employés manuels ont participé à cette assemblée générale extraordinaire convoquée après que le syndicat eut rendu public un document qui a mis le feu aux poudres. Le document, une note interne signée de la main du directeur général Alain Marcoux, dressait la liste des 78 idées de coupes pour économiser, dont plusieurs touchant le travail des cols bleus.
Citoyens privés de services
Cette décision de la commissaire Parent a été rendue après l'analyse des audiences du 20 avril. À cette occasion, elle a entendu les témoignages d'une demi-douzaine de cols bleus congédiés sans préavis alors que tout indiquait qu'il y avait encore du boulot pour eux.
La directrice générale adjointe à la sécurité publique, Chantal Giguère, avait alors admis à la commissaire que la mise à pied en bloc de 162 auxiliaires «est en réaction à l'annonce du syndicat de tenir un vote de grève», note la commissaire dans sa décision. «Quand tu as une menace de grève au-dessus de la tête, il faut que tu agisses vite», avait d'ailleurs dit Mme Giguère lors de l'audience il y a une semaine.
La CRT estime aussi que ces congédiements privent les citoyens de services. «En étalant dans le temps les services planifiés en raison de la mise à pied de 162 cols bleus auxiliaires, il est clair que la Ville ne peut prétendre offrir l'intégralité des services qu'elle offrait le 17 avril au matin, soit les services auxquels la population est en droit de s'attendre», conclut l'instance.
Et la suite?
Jeudi, le président du syndicat a indiqué que la balle est dans le camp de la Ville quant aux négociations avec les cols bleus sans contrat de travail depuis le 31décembre 2010. «Le seul son de cloche qui va venir peut venir de la Ville, a dit M. Dufour. Si on n'a pas d'échos de la Ville qui persiste avec ce genre de confrontation, d'attitude et de façon de faire, je vous le dis, il y en a qui vont faire un saut tantôt.»
Les employés manuels de la Ville de Québec n'ont pas fait la grève depuis plus de 25 ans.
La Ville de Québec a pour sa part 30 jours pour en appeler de la décision de la Commission des relations du travail.
>> QUELQUES EXTRAITS DE LA DÉCISION
La Commission des relations du travail...
> ordonne à la Ville de Québec, ses officiers, représentants ou mandataires de mettre fin au lock-out illégal en cours et de rappeler immédiatement au travail selon leur horaire habituel tous les salariés cols bleus auxiliaires mis à pied le 17 avril 2012.
> ordonne à la Ville de Québec, à la Ville de Québec, ses officiers, représentants ou mandataires à verser, dans les huit (8) jours de la réception de la présente décision, aux salariés cols bleus auxiliaires, une indemnité équivalente aux salaires perdus en raison de mises à pied illégales.
> autorise le Syndicat des employés manuels de la Ville de Québec, section locale 1638 - Syndicat canadien de la fonction publique, à déposer la présente décision au bureau du greffier de la Cour supérieure, conformément aux articles 111.20 et 129 du Code du travail;
> Le geste posé par la Ville est clair et sans équivoque pour la Commission. Ces 162 mises à pied peuvent être qualifiées de mesures de représailles au sens de l'article 14 du Code, car elles surviennent au moment même où les cols bleus auxiliaires s'apprêtent, avec leurs collègues de travail, à exercer leur droit de vote pour l'obtention d'un mandat de grève, et ce, conformément à l'avis de convocation à une assemblée générale du syndicat. Cet avis de convocation était connu de la Ville qui l'a d'ailleurs admis.
> En étalant les services planifiés en raison de la mise à pied de 162 cols bleus auxiliaires, il est clair que la Ville ne peut prétendre offrir l'intégralité des services qu'elle offrait le 17 avril au matin, soit les services auxquels la population est en droit de s'attendre.
> Il est vrai qu'une ville prend plusieurs décisions dans des délais parfois très courts, mais la Commission ne peut écarter le fait que la motivation de la Ville de mettre à pied 162 cols bleus auxiliaires est directement liée à l'annonce de la tenue de cette assemblée générale. Il ne s'agit pas pour la Commission d'un seul élément pris en compte par la Ville dans la prise de décision, mais plutôt l'élément déclencheur.
Source: décision de la Commission des relations du travail
Source :
Valérie Gaudreau
Le Soleil