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Régis Labeaume c. Jean Gagnon: procès sous haute tension

  04 mai 2012

(Québec) Régis Labeaume a eu tendance à prendre la salle d'audience du palais de justice pour une «arène politique» jeudi. Le juge de la Cour supérieure a dû le ramener à l'ordre lors d'échanges particulièrement musclés pendant lesquels le maire a qualifié l'avocat des cols blancs de «vicieux».

L'ambiance était à couper au couteau jeudi lors de la première de deux journées consacrées au procès en diffamation de 2 millions$ intenté par Régis Labeaume en son nom et en celui de son parti Équipe Labeaume contre le président du syndicat des cols blancs, Jean Gagnon.

En février 2011, ce dernier avait soutenu en conférence de presse que les contrats accordés au privé par des municipalités avaient pour but de remplir les coffres des partis.

«Il va falloir s'assurer que ce qu'on coupe, on ne l'envoie pas dans la colonne des contrats parce que les contrats, vous savez ça sert à quoi: ça sert à remplir les caisses électorales! C'est juste à ça que ça sert, les osties de contrats», avait lancé Jean Gagnon.


Pour le maire et son équipe, ces propos visaient clairement à entacher la réputation et l'honnêteté d'Équipe Labeaume. Du côté de la défense, on plaide que cette citation a été rapportée hors contexte par les médias et qu'elle visait plutôt les partis politiques en général.

Des arguments qui ne trouvent aucune grâce aux yeux du maire Labeaume et de son avocat, Me Daniel Dumais.

Qualifiant encore jeudi ces propos de «révoltants» portant atteinte à son «intégrité», M. Labeaume s'est présenté à la barre gonflé à bloc pour son témoignage en fin de journée.

«C'est totalement dégoûtant ce qu'il a fait, ce gars-là!» a-t-il lancé à propos de Jean Gagnon. Une affirmation qui allait donner le ton à un témoignage pendant lequel le maire s'est livré à un bras de fer avec le procureur des cols blancs, Me Denis Bradet.

«Vous êtes deux hommes de tempérament, ce que j'apprécie. Mais j'aimerais que vous vous laissiez parler», a dit le juge Georges Taschereau. Plus tard, il a aussi rappelé à Régis Labeaume d'être «plus factuel», d'éviter de «plaider» et qu'il était devant une instance judiciaire et non «dans une arène politique».

Régis Labeaume a été particulièrement irrité par une question de Me Bradet, qui a demandé si, en 2009, chaque candidat de son parti devait d'amasser 3000$ pour Équipe Labeaume. «Je n'ai pas souvenir de ça, il faudrait vérifier», a-t-il laissé tomber dans un premier temps.

Puis, le maire a ajouté qu'il n'y avait rien à vérifier, puisqu'il n'a jamais été demandé aux candidats de verser cette somme. «Il se cherche un titre dans le journal demain!» a ragé le maire, qualifiant à plusieurs reprises de «vicieux» le comportement de Me Bradet.

En avant-midi, les conseillers membres du comité exécutif de la Ville, François Picard et Julie Lemieux avaient assuré ne jamais avoir sollicité de fonds privés pour leur parti. «Je ne veux rien devoir à personne», ont-ils dit tour à tour, employant la même formule.

La faute aux journalistes

Outre Mme Lemieux et M. Picard, le vice-président du comité exécutif Richard Côté et le directeur général d'Équipe Labeaume, Ron Gagnon, ont aussi témoigné. Tous ont raconté la façon dont ils ont pris connaissance, par les médias, des propos de Jean Gagnon et qu'ils se sont sentis visés.

Lors de leur contre-interrogatoire, Me Bradet a voulu faire dire à ces témoins qu'ils n'avaient pas pris connaissance de tout le contexte dans lequel les propos ont été tenus et qu'ils s'en sont plutôt remis à l'interprétation des journalistes. Logique, ont-ils dit en substance, puisque, dans leurs reportages, les journalistes présents à la conférence de presse ont unanimement lié les propos qu'ils jugent diffamatoires au parti du maire.

«Tous les médias se seraient trompés le même matin?» demandé Richard Côté, sur un ton sceptique.

L'attaché de presse du maire, Paul-Christian Nolin, a aussi témoigné.

En le contre-interrogeant, l'avocat de Jean Gagnon a tenté de prouver, sondage à l'appui, que la popularité du maire n'a pas été affectée par les propos mis en cause. M. Nolin ne s'est pas prononcé sur les sondages en question.

Le procès se poursuit ce matin avec le témoignage du président du syndicat des cols blancs, Jean Gagnon.

Jean Gagnon: «C'est moi qui est diffamé»

Poursuivi pour diffamation par Régis Labeaume, le président du syndicat des cols blancs a fini la journée avec le sentiment d'être dans le rôle de la victime.

«Ce que je retiens de ce qui s'est passé aujourd'hui, c'est que j'ai l'impression que c'est moi qui est diffamé», a commenté Jean Gagnon en fin de journée. «Moi et mes avocats qui ont été traités de vicieux juste parce qu'ils ont posé des questions. Faut quand même le faire.»

Selon le maire Labeaume, la citation de Jean Gagnon sur le lien entre attribution de contrats à des entreprises privées et caisses électorales, au coeur de la poursuite, l'a fait passer pour un «bandit» et un «malhonnête». Or, M. Gagnon assure ne jamais avoir utilisé ces mots. «J'ai jamais fait ça.»

Pourrait-il poursuivre à son tour? «Je ne sais pas. Il est trop tôt pour penser quoi que ce soit. Je vais laisser passer la nuit. Je témoigne demain matin [vendredi] et là on va remettre les pendules à l'heure parce que les perceptions, c'est une chose, mais la réalité, c'est d'autre chose.»

Régis Labeaume ne s'est pas adressé aux médias à l'issue de cette journée au palais de justice.


Source :
Valérie Gaudreau
Le Soleil
Photo:Le Soleil, Erick Labbé