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Labeaume est «démagogue», accuse Jean Gagnon
10 décembre 2012
(Québec) Si les cols blancs ont été plus discrets dans leurs répliques à Régis Labeaume ces derniers temps, ils ont résolument déterré la hache de guerre lundi. Le chef syndical Jean Gagnon accuse le maire de «démagogie» et lui demande où est passé un 100 millions$ perçu depuis 2007, et qui n'a jamais été consacré au déficit des régimes de retraite.
«Il y a 100 millions $ qui ont été chargés aux citoyens de la Ville de Québec et ces 100 millions $ n'ont jamais été mis sur les régimes de retraite ou dans les réserves visant les régimes de retraite. Où est ce 100 millions $? Moi, je veux le savoir!» a lancé M. Gagnon en conférence de presse lundi matin. Il s'agissait d'une première sortie officielle pour le chef syndical, de retour d'un congé de maladie de plus de six mois.
Chiffres de la Ville à l'appui, M. Gagnon estime que ce que l'administration municipale a touché sur l'avis d'imposition des citoyens ne concorde pas avec la somme versée dans les régimes de retraite. L'année 2010, par exemple, compte 78 millions $ de frais réels alors que 62,5 millions $ seulement ont été appliqués sur les régimes de retraite. De 2007 à 2011, la différence cumulée est de 61 millions $ (Le Soleil a toutefois calculé, d'après les chiffres fournis par le syndicat, que ce montant atteignait en fait 59,6 millions $). Une somme qui atteint 100 millions $ si «on ajoute le cas échéant le trop-perçu pour l'année 2012», soutient le syndicat des cols blancs. Ce que réfute le conseiller Richard Côté.
Procédé «inacceptable»
Lundi, Jean Gagnon n'a pas mâché ses mots pour répliquer aux récentes déclarations de Régis Labeaume en l'accusant de «démagogie» dans la façon dont il livre son message sur les relations avec les syndicats.
Ce que le maire lui-même aurait reconnu pendant les trois «rencontres au sommet» à huis clos qui ont eu lieu depuis juin, selon M. Gagnon. «Il a mentionné aux gens qui participaient à ces réunions qu'il était prêt à utiliser la démagogie pour se faire entendre et nous forcer à s'asseoir avec lui et négocier. Ce qui à mon sens est inacceptable.» Il rage notamment contre l'évaluation du déficit des régimes de retraite que la Ville chiffre à 750 millions $, un montant que n'a jamais approuvé les syndicats, dit-il. Le seul chiffre connu, dit M. Gagnon est le 517 millions $ en date de décembre 2010.
Le président du syndicat des cols blancs a aussi réaffirmé lundi que le maire a beau lui envoyer une lettre «tous les jours», il est «hors de question» qu'il négocie les déficits du régime et l'âge de la retraite en groupe. «On n'ira pas s'asseoir à la table commune. Il a beau menacer, il a beau faire ce qu'il veut, on n'ira pas. J'ai une résolution de l'assemblée à l'unanimité. Il ne pourra pas dire : "Tiens, Gagnon est revenu"», a ironisé M. Gagnon.
Ce dernier a aussi décoché quelques flèches au maire Régis Labeaume qui a décliné l'invitation des principaux syndicats à venir négocier à chaque table distincte.
«Il dit qu'il n'a pas le temps. Mais il a le temps d'aller à Milwaukee et en Haïti dans la même semaine. C'est correct. Il a le droit», a laissé tomber M. Gagnon.
Ce à quoi le maire Labeaume n'a pas manqué de répliquer en évoquant sa récente victoire pour un procès en diffamation intenté contre Jean Gagnon. «M. Gagnon m'a visé. Est-ce qu'il a été poli, est-ce qu'il a choisi ses mots? Qu'il mesure ses paroles, ou on va encore être obligé de le poursuivre, pauvre lui», a-t-il lancé. «Oui, c'était important d'aller à Milwaukee et oui, c'était important d'aller en Haïti.»
CÔTÉ RECONNAÎT L'ÉCART, MAIS PAS LE CHIFFRE
«Le chiffre de 100 millions $ n'est pas bon», réplique Richard Côté à Jean Gagnon. Le conseiller responsable des négociations à la Ville de Québec reconnaît toutefois du même souffle qu'il existe bel et bien un écart entre ce qui est touché en taxes et ce qui est versé dans les régimes de retraite. Et il promet de remédier à la situation.
«Ils ont raison. Il y a toujours des écarts de trésorerie entre ce qu'on taxe et ce qu'on reçoit. Oui, il y a un écart de trésorerie, mais ce n'est pas 100 millions $, c'est 68 millions.»
Pourquoi ne pas avoir appliqué ce montant pour réduire le gouffre du déficit des régimes de retraite? La Ville le fera bientôt, a assuré M. Côté. «Le seul point qui reste à régler est une politique des régimes de retraite. On s'attend probablement d'ici quelques semaines, peut-être au début de l'année, à arriver avec une politique des régimes de retraite où l'excédent de trésorerie, on va l'appliquer», promet le vice-président du comité exécutif.
À l'instar de son chef Régis Labeaume, Richard Côté s'est dit «déçu» du refus des syndicats de négocier les régimes de retraite et l'âge de la retraite en groupe. «Je trouve ça de valeur parce que c'est la première fois de l'histoire qu'un maire décide de faire des réunions de groupe et de permettre de s'exprimer. Ça ne règle pas le problème, il va falloir le négocier quand même.»
Et même en négociations individuelles, le mot d'ordre sera «régime de retraite», a martelé M. Côté.
Questionné plus globalement sur le retour après six mois d'absence du président du syndicat des cols blancs, Richard Côté n'a pas semblé surpris du ton de la conférence de presse de Jean Gagnon.
«On sait que M. Gagnon aime beaucoup le côté médiatique. Il a un côté un peu artistique, alors il faut s'attendre à des sorties assez épicées de sa part. Ça devrait vous faire des bons clips...» a-t-il lancé aux journalistes.
Source :
Valérie Gaudreau
Photographie: Le Soleil, Yan Doublet
Le Soleil