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Plénier sur les régimes de retraite: bataille de chiffres et prises de bec

  28 février 2013

(Québec) Le comité plénier sur les déficits des régimes de retraite n'a pas fait courir les foules, mais aura donné lieu à plusieurs prises de bec entre les conseillers indépendants et ceux d'Équipe Labeaume.

 

«Quel zoo!» «Apprentis sorciers!» «Êtes-vous sourd?» «Innocent!»

Les épithètes ont fusé autant que les chiffres mercredi soir à l'hôtel de ville durant les deux heures et demie de débat.

Des politiciens sont coupables d'avoir donné des fonds de pension aussi généreux aux employés de la Ville de Québec, a lancé d'entrée de jeu le maire Régis Labeaume.


«Ils ont étiré l'élastique trop longtemps et cet élastique pète au visage des contribuables!»

Le directeur général Alain Marcoux a brossé un portrait du déficit actuariel que la Ville évalue à 624 millions $, en insistant sur les deux principales causes pour la Ville; les rendements plus faibles que prévu et l'allongement de l'espérance de vie des travailleurs.

«Nos analystes nous informent que le pire est à venir et on prévoit que le rendement va continuer à baisser, a indiqué Alain Marcoux. Une baisse de 0,5 % de rendement augmentera le déficit de 150 millions $ et la nouvelle table de mortalité ajoutera entre 60 et 160 millions $.»

Pour «sauver les régimes», selon l'expression du dg, la Ville demande à ses employés d'assumer 12 % du déficit, soit 59 millions $ sur un total de 517 millions $, le montant du déficit lors de la dernière évaluation actuarielle en 2010.

Au-delà des chiffres et des tableaux, une question demeure, a soutenu la conseillère indépendante Anne Guérette. «Le maire de Québec, visionnaire et proactif, comment ça se fait qu'il a attendu cinq ans après le krach boursier pour s'occuper de ça?» a-t-elle lancé.

Piqué, le maire Labeaume a joué la carte de l'ironie. «Je suis entièrement responsable de la crise financière de 2008 et je m'en excuse, a-t-il répondu. Et si l'espérance de vie a augmenté, je m'en excuse aussi.»

Les plus récentes données actuarielles ont été communiquées à la Ville à l'automne 2010, a précisé Alain Marcoux, et c'est à partir de ce moment-là que la réflexion s'est accélérée.

Pourquoi pas un emprunt?

La Ville avait une solution, fait remarquer le conseiller indépendant Patrick Paquet, soit d'emprunter pour payer le vieux déficit du régime de retraite de l'ex-Ville de Québec, aujourd'hui évalué à 234 millions $. «Si on avait emprunté en 2007, on aurait éteint le vieux déficit de l'ex-Ville de Québec», estime-t-il.

Le maire prive les citoyens d'une solution intéressante parce qu'il veut tenir tête aux syndicats, ajoute Anne Guérette.

Jamais son administration n'empruntera pour payer les déficits passés, rétorque Régis Labeaume. «On veut que les employés acceptent d'en payer une partie!»

Montréal l'a fait et s'est brûlé les doigts, assurait le dg Alain Marcoux. Une somme de 1,6 milliard $ empruntée à cette fin ne valait plus que 1,2 milliard $ quelques années plus tard.

Peu de citoyens

Les citoyens «révoltés» invités par le maire ont préféré regarder le comité plénier à la télévision plutôt qu'en personne. Les 27 places de la salle du conseil et seulement une dizaine d'autres dans la salle de réception étaient occupées par des spectateurs, principalement des employés membres des exécutifs syndicaux.

Quatre policiers et trois agents de sécurité veillaient à la quiétude des lieux.

Jean Gagnon furieux

Le président du syndicat des cols blancs Jean Gagnon est sorti furieux de la salle du conseil, avant la fin de la séance. «C'est de la bullshit! a-t-il lancé. Je ne pensais pas qu'il détestait autant les employés pour faire une prestation semblable», a-t-il poursuivi, en visant le directeur général Alain Marcoux, qui avait livré la présentation.

Jean Gagnon et ses collègues de l'exécutif du syndicat des fonctionnaires portaient au cou une petite étiquette affichant les mots «vrai déficit 131 millions $», soit la part qui, évaluent-ils, revient aux employés.

Il faut arrêter de crier à l'apocalypse, plaide Jean Gagnon. «Notre régime a fait 8,4 % de rendement en 2012 et c'est possible de le refaire», dit-il.

Son collègue Éric Gosselin, président du syndicat des pompiers, promet de répliquer à la Ville avec «les vrais chiffres» concernant le régime de retraite des pompiers. «Le portrait brossé par la Ville est très alarmiste et spectaculaire et on n'a vraiment pas les mêmes interprétations des évaluations actuarielles», fait remarquer M. Gosselin.

Tout changement au régime, comme la contribution de 2 % demandée par la Ville, devra être discuté aux tables de négociations et non lors d'un «spectacle».


Source :
Le Soleil
Isabelle Mathieu
Photothèque Le Soleil, Steve Deschênes