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Drois de décréter - Roulés (encore) dans la farine ?
17 juin 2016
QUÉBEC — Le ministre des Affaires municipales Martin Coiteux a déposé la semaine dernière à l’Assemblée nationale le projet de loi 110, un nouveau cadre pour le régime de négociations dans le monde municipal. Québec promet de « rééquilibrer » les relations de travail dans un monde où les syndiqués ont davantage de leviers que leurs employeurs.
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On partait de loin : pendant des années, les maires ont réclamé le droit de lock-out en cas de conflit avec leurs employés. L’automne dernier, contre une ponction de 1,2 milliard de leurs transferts de Québec, ils ont signé un « pacte fiscal transitoire » qui, comprenaient-ils, permettrait aux municipalités de décréter ultimement les conditions de travail des employés.
Pourtant, le texte qu’ont signé Québec et les villes en septembre 2015 était bien ambigu : « Dans un contexte de redéfinition des relations Québec-municipalités et d’accroissement de l’autonomie municipale en matière de relations du travail, le gouvernement examinera en consultation avec les intervenants du milieu municipal certains éléments du processus de négociation collective […] du champ d’application de la Loi sur les relations de travail. » Mais pendant des semaines, la présidente de l’Union des municipalités du Québec (UMQ), Suzanne Roy, a maintenu qu’elle s’attendait à ce que les maires puissent décider en bout de processus.
C’était le jour de la marmotte la semaine dernière. Encore une fois, comme l’automne dernier, les élus municipaux ont tablé sur un engagement que le gouvernement, sciemment, a choisi de ne pas formuler explicitement. Selon les maires, Québec allait transmettre à l’Assemblée nationale le pouvoir de légiférer sur les conventions collectives, sur la base du rapport d’un mandataire choisi par le ministre des Affaires municipales. Le projet de loi du ministre Coiteux allait ramener vers les députés le pouvoir qui, laissé entre les mains des maires, aurait été vulnérable en cas d’attaque devant les tribunaux.
Or, nulle part dans le projet de loi 110 on ne mentionne cet ultime recours devant les élus provinciaux. Le pouvoir de décréter de l’Assemblée nationale n’est pas même évoqué dans les 60 articles.
L’Assemblée nationale est souveraine et, de tout temps, elle pouvait décréter les conditions de travail des villes. Le projet de loi 110 ne change rien à l’affaire. Pour la petite histoire, il faut savoir que Coiteux, ex-président du Conseil du trésor, a choisi de faire rédiger son projet de loi par son ancien ministère. Une rebuffade pour les Affaires municipales, et surtout un autre mauvais signal à la fonction publique, au moment où il est devenu clair que les sous-ministres sont passibles d’une exécution sommaire en cas de controverse.
Pour les experts, le projet de loi définit un corridor étroit menant à la nomination par le ministre d’un « mandataire », un spécialiste dans le domaine municipal ou en matière de relations de travail. Ce dernier, devant une impasse des discussions, soumettra son rapport confidentiel au ministre, fera une proposition sur ce que devrait, selon lui, être la future convention collective.
C’est à partir de ce rapport que le ministre pourra soumettre un projet de loi à l’Assemblée nationale. Le passage obligé par une étape de médiation, puis par l’appréciation du mandataire, rendrait ce geste législatif moins susceptible d’être contesté en cour, estiment les hauts fonctionnaires.
Mais rien n’obligera le ministre ; ce sera une décision politique. M. Coiteux s’est dit prêt à le faire, mais les ministres passent… Qui sait si son successeur sera tenté de se retrouver avec des dizaines de syndiqués qui font un BBQ devant son domicile, comme c’est arrivé à la présidente de l’UMQ, Suzanne Roy, mairesse de Sainte-Julie.
Ce sera la loi si nécessaire, mais pas nécessairement la loi, pour paraphraser MacKenzie King au sujet de la conscription. Dans son point de presse, vendredi, Martin Coiteux insistait d’ailleurs sur cette latitude. « L’Assemblée nationale pourra légiférer sur les conditions de travail. Ainsi, le ministre des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire pourra proposer aux parlementaires, dans certaines situations, sur la base du rapport du mandataire spécial, un projet de loi spécial qui déterminerait les conditions de travail ».
En cas d’urgence, l’une ou l’autre des parties pourrait demander l’intervention du médiateur, avec un argumentaire écrit. Après avoir consulté le ministre responsable de l’application du Code du travail, le ministre nommerait un mandataire spécial s’il estime que tous les moyens en vue de régler le différend ont été épuisés et qu’à la lumière des circonstances exceptionnelles, il existerait un risque sérieux au regard des services à rendre aux citoyens.
Encore là, l’intervention de l’Assemblée nationale est suggérée, mais pas explicitement prévue ; il n’y a pas de « droit positif » venant consolider cette intervention des élus de l’Assemblée nationale. Comme en septembre dernier, les maires n’avaient pas lu les petits caractères des engagements de Québec.