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Tout baigne à Labeaumeland

  12 décembre 2012

(Québec) À Québec, il faut faire un effort pour se remémorer la vie politique avant l'arrivée de Régis Labeaume à la mairie, le 9 décembre 2007, il y a cinq ans.

Dis-moi, grand-papa, est-ce que l'eau chaude avait été inventée, avant M. Labeaume? En ces temps reculés, pour reprendre les mots de Bob Hope, est-ce que la mer Morte était seulement malade?

Stop. Gardons notre sérieux.

Au fil des ans, on s'est habitué à ce que le maire fasse la pluie et le beau temps. Mieux, on s'est habitué à ce qu'il remplace la pluie et le beau temps comme sujet fétiche de conversation.


Dans les médias, le culte de la personnalité de M. Labeaume n'a jamais faibli. Il ne manque jamais de journalistes pour s'enivrer de ses paroles, comme une bande de meneuses de claque immergées dans un grand bol de punch aux fruits.

Ces jours-ci, nous avons même eu droit à un grand reportage sur le plaisir ressenti par le M. le maire lors de son bal annuel!

Pour reprendre l'expression consacrée, le maire est tellement habitué à se confier aux caméras qu'on finira par le surprendre en train de donner une entrevue à une caméra de surveillance...

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Cinq ans plus tard, le contrôle exercé par le maire Labeaume sur sa ville apparaît total.

Des politiciens jaloux se demandent s'il possède une recette secrète, comme pour la Caramilk.

Mais la méthode Labeaume consiste à attaquer sans relâche. Même quand l'équipe mène 15 à 0. Même quand il ne reste qu'une minute à écouler en troisième période.

L'important, c'est de ne jamais manquer de «vilains» à ridiculiser en public. Si possible, un syndicat. Mais en désespoir de cause, même le commissaire au lobbyisme ou le président de l'Ordre des architectes peuvent faire l'affaire.

Ai-je entendu le mot opposition? Depuis cinq ans, l'opposition à Québec ressemble au malheureux qui tente d'assembler les 12 853 pièces d'une génératrice dans le noir, avec un manuel d'instruction rédigé en copte ancien.

Faut-il s'étonner que son taux de popularité n'excède guère celui d'une distributrice de condoms au Vatican?

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On me pardonnera de ne pas énumérer tout ce qui a changé à Québec, en cinq ans. Y compris chez Régis Labeaume lui-même.

Le Régis Labeaume de 2007 voulait d'abord en finir avec «cette impression de cynisme qui prévaut depuis quelques années».

Ha-ha-ha-ha. Mais peu importe. Reprocher à un politicien d'avoir omis d'en finir avec le cynisme, cela paraît aussi futile que de reprocher à un marsouin d'avoir échoué aux examens d'entrée à la London School of Economics.

Passe encore que notre maire VIP se rende en mission humanitaire en Haïti, tel une Angelina Jolie de pacotille. Si son voyage a pu améliorer l'existence de quelques gens de là-bas, qui pourrait le lui reprocher?

Sauf que même dans la misère de Port-au-Prince, M. le maire trouvait encore la hargne de vomir sur les pompiers de Québec...

«S'ils sont capables de s'acheter des coeurs un jour et de se les faire poser, peut-être qu'on leur parlera», a-t-il vociféré.

Régis Labeaume, envoyé humanitaire? Laissez-moi deviner. Attila le Hun n'était pas disponible?

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La semaine dernière, notre maire a trouvé le temps d'aller dans le Wisconsin afin d'expliquer pourquoi il ne sera pas candidat au poste de président de l'Alliance des villes des Grands Lacs et du Saint-Laurent.

On rêve du jour où il affichera la même disponibilité pour expliquer les politiques les plus controversées de son administration.

La pédagogie n'a jamais été le point fort du politicien Labeaume, c'est le moins que l'on puisse dire. Un échange de point de vue, dans l'esprit du maire, c'est lorsque vous entrez dans son bureau avec votre opinion et que vous en ressortez avec la sienne.

Récemment, la décision de construire une tour de 16 étages, au centre-ville, soulevait beaucoup d'opposition. Pour un maire, l'occasion était belle d'expliquer à quoi rime la «densification». L'avenir du centre-ville.

À la place, nous avons encore eu droit à son numéro du coq de village. Avec en prime, un cri du coeur digne d'un octogénaire du défunt mouvement créditiste : «C'est la faute des anarchistes!»

Pensez qu'il a fallu seulement cinq ans pour en arriver là. Imaginez-en 10 de plus


Source :
Jean Simon Gagné
Le Soleil